Coordinatrices du numéro :
Florence Mourlhon-Dallies, GRIP, Université de Paris, France
Magdalena Sowa, Université Maria Curie-Skłodowska, Lublin, Pologne
La globalisation, telle que posée par Sassen (2009) est portée par un réseau de grandes métropoles mondiales qui insufflent des dynamiques financières, concentrent une bonne part des flux migratoires et voient se construire des pratiques sociales hybrides, notamment pour ce qui concerne la consommation de biens et les modèles éducatifs. La combinaison de ces grandes tendances globales et des caractéristiques contextuelles locales a encore été peu interrogée en didactique des langues, alors qu’on observe un besoin croissant de diversifier les regards et les méthodes en matière d’enseignement des langues. Peu de travaux ont jusqu’ici choisi de replacer la question de la conception de cursus et de cours dans le contexte mondialisé actuel, ce qui fait qu’on fait encore aujourd’hui assez souvent comme si les manières de parler, de rédiger, d’échanger étaient quasi uniformes, dès lors qu’on intervient dans un domaine donné en mobilisant une « même » langue de communication.
On sait pourtant depuis longtemps (Beacco, 1992, 13-15) que même si « les manières de faire » dans tel ou tel domaine sont proches, « les manières de dire » ne sont pas forcément identiques, du fait même que les genres discursifs correspondent à un « style collectif » ritualisé, qui privilégie donc certaines formulations et modes d’échange, apparaissant dans une langue et une culture données comme « légitimes ». Et ceci vaut y compris pour les « communautés de communication translangagières » dont les pratiques communicationnelles sont relativement homogènes (comme par exemple le tourisme). Un retour sur cette notion n’est d’ailleurs pas inutile, car elle est étroitement liée chez Beacco (1992, 15) à ce qui relevait à l’époque de la mondialisation : « Nous appellerons donc communautés communicatives translangagières celles qui sont fortement fondées sur une institution (entreprise multinationale, organisme international, domaine scientifique ou universitaire, domaine professionnel internationalisé) dans laquelle les statuts des scripteurs sont fixés, la circulation des écrits descriptible, mais qui fonctionnent en plus d’une langue naturelle. La mondialisation des échanges économiques et culturels a évidemment développé de telles » institutions « internationales et plurilingues ». On voit ici l’intérêt de réactiver cette notion de communautés communicatives translangagières, qui pose la question des normes communes et de la variabilité des usages, dans des domaines correspondant aux spécialités qui intéressent les didacticiens des langues.
Cela étant, en une vingtaine d’années, d’autres notions ont surgi, qui interrogent plus que jamais l’enseignement des langues de spécialité. Actuellement, on décompte une dizaine de « langues mondes » (Cerquiglini, 2019 ; Ulrich, 2010), employées souvent à des milliers de kilomètres du bassin géographique où elles sont apparues. Dans ces conditions, quelles pratiques sont les plus représentatives d’une langue de spécialité donnée ? Celles des pays européens qui en ont été les berceaux et qui produisent encore une grande part du matériel pédagogique édité ? Celles des pays émergents à la démographie plus dynamique qui affichent un nombre de locuteurs d’ici peu bien plus important ? Celles des pays les plus influents, qui imposent des pratiques communicatives reprises dans d’autres langues que la leur ? Dans une perspective globale qui intègre autant de lignes de forces, peut-on encore parler de langue de spécialité au singulier : par-delà les variations lexicales et phonologiques locales, y-a-t-il au plan du discours et de la communication un anglais des affaires ? un français de la mode ? un français médical ?
Axes de réflexion
Les chercheur.e.s intéressé.e.s par la perspective que nous venons d’esquisser sont invités à réinterroger, à l’aune de la globalisation, ce qu’on entend par langue de spécialité, au plan notionnel, au plan langagier et comme objet d’enseignement/apprentissage.
Voici les trois axes que nous proposons avec des exemples de questions auxquelles pourraient répondre les articles soumis :
Axe 1. La circulation problématique des notions phares de l’enseignement des langues de spécialité
- Comment évoluent les notions phares de l’enseignement des langues de spécialité à l’ère de la globalisation ?
- Comment ces notions se reconfigurent-elles lors de leur circulation à l’international ?
- Quel est l’impact de ces notions sur l’uniformisation ou la diversification des politiques linguistiques et/ou curriculaires relatives à l’enseignement des langues de spécialité ?
- Quelle est la place du CECRL dans la politique linguistique relative aux langues de spécialité lors de la globalisation ?
Axe 2. Les nouvelles manières d’enseigner les langues de spécialité
- Comment et dans quelle mesure les pratiques de classe, les supports pédagogiques, les ressources langagières explorées etc. rendent-ils compte de la variabilité des usages des langues de spécialité enseignées à des fins de la communication professionnelle ?
- Pourquoi et comment enseigner les langues de spécialité dans les contextes marqués par la globalisation ?
- Quels savoirs et savoir-faire enseigner en langues de spécialité ? Avec quels objectifs, approches et outils ?
- Comment concevoir l’enseignement des normes conversationnelles et rédactionnelles à enseigner pour certaines langues mondes (comme l’anglais ou le français) ?
- Quelle est la place du numérique dans un enseignement internationalisé et distant en matière de langues de spécialité ?
Axe 3 : La formation des acteurs éducatifs face à la mondialisation
- Comment est-il possible d’intégrer le contexte mondialisé des usages des langues de spécialité dans la formation des enseignants de langue ?
- Quel est l’impact de la globalisation sur les curricula de formation des enseignants de langues ?
- Quels objectifs de formation sont-ils en mesure de répondre aux enjeux de la globalisation ?
- Quelles compétences viser à développer chez les formateurs et autres acteurs responsables de l’enseignement des langues de spécialité ?
Calendrier
Réception des propositions (2000-2500 caractères) : 31 août 2022
Envoi de l’avis d’acceptation ou de refus des propos : 15 octobre 2022
Réception des articles complets : 31 janvier 2023
Retour des évaluations des articles : 30 juin 2023
Corrections des articles : juillet-septembre 2023
Parution du numéro : décembre 2023
Adresses pour l’envoi des propositions :
Les résumés et articles devront être envoyés aux deux adresses suivantes :
florence.mourlhon-dallies@u-paris.fr
Les articles pourront être rédigés en français ou en anglais.
Les consignes rédactionnelles se trouvent à l’adresse :
https://pressto.amu.edu.pl/index.php/n/about/submissions
Éléments bibliographiques
Agier, M., 2015, Anthropologie de la ville, Presses Universitaires de France, « Hors collection ».
Ammon, U., 2010, World languages; Trends and futures, in Coupland, N. ed., The Handbook of Language and Globalization, Wiley-Blackwell, pp. 101-122.
Babault, S., Bento, M., Le Ferrec, L. et Spaëth, V., 2014, Contexte global, contextes locaux. Tensions, convergences et enjeux en didactique des langues, Actes de colloque international, FIPF, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01044944.
Beacco, J.-C., 1992, Les genres textuels dans l’analyse du discours : écriture légitime et communautés translangagières, Langages 105 Ethnolinguistique de l’écrit, Larousse, pp. 8-27.
Cerquiglini, B., 2019, « La francophonie vue par B. Cerquiglini. La vigueur d’une langue-monde » in La langue française dans le monde, Gallimard et OIF, p. 22-23.
Desjeux, D., 2002, Les échelles d’observation de la culture, Communication et organisation 22, mis en ligne le 27 mars 2012, consulté le 01 mai 2019. [En ligne]. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/.
Efing, C., 2014, Berufssprache and Co. Berufsrelevante Register in der Fremdsprache. Ein varietätenlinguistischer Zugang zum berufsbezogenen DaF-Unterricht, Informationen Deutsch als Fremdsprache 41, pp. 415-441.
Paltridge, B., Starfiedl, S., 2012, The Handbook of English for Specific Purposes, Wiley-Blackwell.
Roelcke, T., 2020, Berufssprache und Berufliche Kommunikation – eine konzeptionnelle Klärung, in Sprache im Beruf, Band 3 – Heft 1, Steiner Verlag, pp. 3-17.
Sassen, S., 2009, La globalisation. Une sociologie, NRF Gallimard.
Sowa, M. dir., 2020, In search of the LSP teacher’s competencies/ A la recherche des compétences des enseignants de LS, Peter Lang.
Van der Yeught, M., 2016, Protocole de description des langues de spécialité, in Les Cahiers de l’APLIUT, vol. 35/1, numéro spécial Du secteur LANSAD et des langues de spécialité, URL : http://journals.openedition.org/apliut/5549 ; DOI : https://doi.org/10.4000/apliut.5549