Abstract
Dans les ouvrages polonais paraissant depuis la fin des années 40 on qualifie les changements profonds intervenus en Pologne depuis juillet 1944 de révolution: populaire, populaire et démocratique ou bien socialiste. Le présent article ne vise pas la question s'il y avait une révolution en Pologne, quel était son caractère, quelles étapes on pouvait en distinguer. Il aborde un probleme de l'histoire des idées politiques, et notamment de l'histoire de la terminologie politique. On étudie ainsi l'emploi du terme „révolution" et des dérivés au cours des quatre ans qui suivaient la naissance du nouveau régime.
Dans les résolutions des autorités du Parti ouvrier polonais d'expression communiste – la plus importante force politique du régime nouveau et jusqu'à 1945 même sa force essentielle – le terme n'existait pas et les représentants du P.O.P. ne l'employaient guère. La démocratie populaire que l'on concevait généralement comme un type particulier du régime n'étant ni bourgeois démocratique, ni socialiste s'édifiait – enseignait-on – sans la révolution. En suivant les directives du Kominform ainsi qu'en se guidant sur la situation internationale et l'état d'esprits dans le pays, le P.O.P. s'efforçait d'éviter un vocabulaire radical, voire avantgardiste. Néanmoins, c'était dans le milieu communiste où l'on inventa (ou plutôt réinventa) les expressions populaires ailleurs: „la révolution pacifique" et le changement, voire la révolution, „en majesté de la loi".
Toute autre était la position du Parti socialiste polonais, jouissant d'une réelle autonomie idéologique entre 1945 et les débuts de 1948. On y parlait beaucoup de la révolution (polonaise, pacifique, légale, humanitaire, etc.) en train de se faire, on en faisait mention dans les actes officiels, on se penchait sur les problèmes qu'avait posés cette révolution, dont le problème de ses coûts que l'on voulait résoudre suivant le principe: „maximum de l'évolution – minimum de la révolution". On n'avait pas peur de termes radicaux – le P.O.P. se présentant comme un parti neuf, fondé en 1942, dans le P.S.P. on évoquait les traditions, dont le Programme de 1937 toujours en vigueur où l'on trouvait une clause sur la lutte avec la „contre-révolution".
Parmi les autres partis légaux de l'époque (deux partis paysans, travaillistes d'expression chrétienne, Parti démocrate), ce n'était que le dernier, s'adressant à l'intelligentsia et au secteur privé, au sein duquel on se servait du terme „révolution". Cela résultait non pas des principes de programme, mais des opinions personnelles du secrétaire général du P.D., étant en même temps Vice-ministre de la Justice. Ses opinions restaient assez typiques du milieu des juristes pour lesquels le mot „révolution", voulant dire surtout les actes législatifs rendus sous le nouveau régime, n'avait rien d'impropre.
Le tournant de 1948 – qui consistait à remplacer la conception de la démocratie populaire des premières années par le modèle soviétique et à éliminer une part des dirigeants trop attachés aux mots d'ordre de la veille – marqua profondément l'emploi du terme envisagé. Le terme se trouva davantage dans le vocabulaire des communistes et, à la suite du principe nouveau du rôle dirigeant du P.C. (donc du P.O.U.P. depuis décembre 1948), dans le vocabulaire officiel. Il dut aussi changer son sens. La révolution ne put plus être polonaise, légale, pacifique ni humanitaire. En devenant une valeur autonome, elle se vit qualifiée de phénomène de classe, nécessaire et légitime d'exclusivité.
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